Dans le paisible village de Saint-Salvadour, niché au pied des Monédières en Corrèze, un espace singulier rend hommage à un homme tout aussi singulier : Antoine Paucard. L’ancien préau de l’école, désormais reconverti en musée, abrite une trentaine de statues de granit et de bois, gravées de mots et de pensées, toutes nées de l’imagination prolifique de ce personnage hors du commun. Né en 1886 au moulin de Cérézat, Antoine Paucard n’était pas seulement sculpteur. Il fut aussi maçon, agriculteur, poète, chansonnier, philosophe autodidacte et écrivain. Son œuvre colossale, faite de sculptures et de 120 carnets manuscrits mêlant poèmes, aphorismes, réflexions et chansons, témoigne d’un esprit libre, passionné et profondément ancré dans sa terre. Si certaines de ses créations sont visibles dans le musée, d'autres ornent encore sa tombe sculptée ou sont disséminées dans le village, comme cette énorme pierre qu’il rêvait de voir trôner devant la mairie.
L’homme, souvent perçu comme un original, a pourtant profondément marqué la mémoire collective de Saint-Salvadour. Engagé dans le 3ème régiment des Chasseurs d’Afrique à seulement 19 ans, il dut abandonner sa carrière militaire après un accident qui lui fit perdre un œil. De retour à Paris, il enchaîna les petits métiers avant de revenir dans sa région natale. Il y mena une vie simple mais passionnée, animée par un patriotisme ardent, un amour des mots et une curiosité du monde sans bornes. Empêché de combattre pendant la Grande Guerre, il trouva un autre moyen d’être utile : en facilitant la correspondance entre les soldats et leurs familles. C’est sans doute à cette époque qu’il commença à écrire quotidiennement. Sa ''Chanson des mois''. probablement composée dans les années 1920, est encore chantée par certains anciens du pays. On dit même qu’il glissait dans les fondations des maisons qu’il construisait une bouteille contenant des vers de sa main, comme pour sceller son art dans la pierre.
Malgré ses attaches profondes à la terre corrézienne, Antoine Paucard n’a jamais renoncé à ses rêves d’aventure. En 1931, il tente de devenir gardien de l’atoll de Clipperton, dans le Pacifique sud. Il ne sera pas retenu. Une autre fois, en apprenant que des jeunes étaient partis chercher fortune au Chili, il part à pied vers Nantes avec un ami dans l’espoir d’embarquer. Un verre partagé au port et quelques avertissements suffisent pourtant à les convaincre de rebrousser chemin. C’est là toute l’ambivalence de Paucard : un homme attiré par le vaste monde, mais viscéralement attaché à sa terre. En 2008, son fils Roland a confié à la commune l’ensemble de son œuvre. Aujourd’hui, grâce au soutien du Centre Régional des Musiques Traditionnelles, ce patrimoine modeste mais précieux revit dans le musée qui porte son nom. Une porte discrète, une entrée libre, et un monde entier s’ouvre au visiteur curieux.
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